I was sick for several days in October, and took the occasion to binge watch one of the 2017 French series available on Netflix, La Forêt. It’s got a few things going for it: it’s in French. It has gorgeous footage of European forest. And did I mention it is in French? Unless you are bedridden and looking to work on your listening skills, or if you really, really like Broadchurch knock-offs, I wouldn’t recommend spending you time on watching the six hour-long episodes that are the entirety of this series.
The show is a modern-day polar set in a French village near the Belgian border, right at the edge of the Ardenne forest. Three teenage girls are up to something and get in trouble, one turns up murdered, the other two disappear. Naturally the mother of one of the girls is the second-in-command lieutenant of the village police force, which has just acquired a new chief. The lieutenant has lived in the village all her life, while the new chief arrived from Paris and the army. The investigation turns up one dark secret of village life after another, and also gives the director a chance to show off their arbitrary inclusivity (“This character is Black! That character is Jewish! This one is lesbian! Why? Er, no reason really …”) I don’t object to representation on the screen, but the writers make a big deal of these distinctions but then don’t do anything with them. They also don’t do much with various other plot elements: a phantom wolf in the forest; a hermit living in the forest; somebody slaughters game animals and is careless with a lot of blood. The school teacher who likes to wander naked through the woods.
One thing that is clear: the French don’t seem to think much of conflict of interest. The lieutenant is allowed to fly off the handle countless times as she lets her grief over her missing daughter drive her to violate procedure at every turn. The chief scolds her each time, but nothing comes of it. I don’t think there was ever a second season of this how, but it would actually be interesting to see her play a police officer in a case that does not involve her own family.
One of the weirdest facts about this series is that the station that aired it originally, France 3, partnered with an online gambling company Winamax to allow viewers to put real money bets on the identity of the murder. Winamax built a second-screen experience that would update the odds on each bet in real-time during the nights that the show aired, adjusting them as the plot played out. It was a successful marketing gimmick that attracted a lot of attention on both mainstream media and social media, and in turn a lot of viewers. The series was translated and marketed in Spanish, English, and German, though I don’t know if the betting campaign was Europe-wide or France only. I haven’t heard of any examples of this dynamic being recreated, so perhaps it was a one-time campaign. But it might explain why the writing was so poor …
I expect that the most familiar example of theater of the absurd, at least for U.S. readers, is Samuel Beckett’s Waiting for Godot. We read it in English class in high school, and even took a field trip to see it performed on stage. We also read it in French class in high school. When I was at college, I frequently used a computer system that offered you short text each time you logged out. The texts were randomly drawn from a collection maintained by the administrators. The most memorable one I ever saw was about the local public transit system: “One has the feeling that if Godot himself walked on stage in the middle of the second act and said ‘Sorry I’m late, I came by T.’, the audience would entirely understand.” Separately, I recently read a description of Godot as “The play where nothing happens. Twice.”
There are four characters in the play: the blind and wheelchair bound Hamm; his hobbled servant Clov; his father Nagg (who lives in a trashcan); and his mother, Nell. The names are apparently symbolic for “hammer” and “nail” (in various languages, e.g. clou in French, nagel in German), but I didn’t see much of that in the play. There’s also apparently a fair amount of chess symbolism in the play, but I didn’t get that either. Likewise, I have no idea what to make of the two characters in the trash cans. What I did get was the heavy dose of existentialism. I didn’t understand the first thing about this philosophy when they tried to teach us about it in high school, but I understand it (or at least the Wikipedia presentation of it and some scattered follow up reading) a good deal better now. I wonder if I was an outlier, or if existentialism made no sense to any of us adolescents then.
As with past plays in this series, I tried writing something sensible about Fin de partie in French and then reviewed it with my teacher. This one turned out to be way more evidentiary than my previous analyses – all the page numbers are from Les Éditions de Minuit version, copyright 1957. Not the most exciting essay, but not terrible either. And even if the argument is weak, the practice at writing French was useful as always. This runs 1200 words, but many of them are just quoting Beckett directly, so my actual writing is less. Here’s the finished draft, post correction:
Fin de partie: On divorce de Dieu
On dit souvent «La guerre, c’est l’enfer». Mais qu’est-ce qui arrive après la guerre ? Le paradis, certainement pas. La fin de la deuxième guerre mondiale, et à vrai dire les quarante années précédentes, ont donné naissance à deux mouvements liés: l’existentialisme et l’absurde.
L’idée centrale de l’existentialisme et que le sens à la vie ne vient pas d’une source extérieure, mais d’une source intérieure. Les adeptes de l’existentialisme disent que «l’existence précède l’essence». Nous n’avons pas été créés ou destinés à faire quelque chose. Nous existons, et donc c’est à nous de créer un but, un destin, un sort, chacun pour lui-même. Les religions, les grands concepts abstraits comme les classes de Karl Marx, la liberté de Thomas Jefferson ou le nationalisme de Georg Hegel doivent tous être rejetés. Dans son livre L’existentialisme est un humanisme (1946), Sartre a écrit «L’existentialisme n’est pas autre chose qu’un effort pour tirer toutes les conséquences d’une position athée cohérente.» Les autres philosophes trouvaient la cohabitation de Dieu et de l’existentialisme envisageable, mais pas Sartre.
Quant à l’absurde, c’était une réaction contre les idées classiques et réalistes de l’art et de la littérature, ou peut-être une réinterprétation de ces idées. On peut dire qu’une œuvre d’art est un reflet de la vie elle-même, captée par un artiste. Mais pour les auteurs absurdes, la vie ne suit pas des chemins bien illuminés. Elle n’a aucun sens prédestiné. Les choses se passent aléatoirement, sans raison, sans justice, sans structure et sans prédictibilité. Donc présenter une image ou une histoire bien rangée, c’est mentir. Le théâtre de l’absurde a embrassé cette idée avec des pièces qui manquent d’une intrigue cohérente , dont les répliques sont souvent répétitives, et qui n’ont pas d’ancrage spatio-temporel.
Mais les pièces absurdes ne sont pas sans importance. L’écrivain a instillé des idées et une signification. Cependant, c’est à nous les spectateurs de construire le sens, à la manière des existentialistes. Si on arrive au même terminus que l’auteur, c’était un bon exercice pour donner forme au chaos. Si on arrive à sa propre destination, tant mieux. Forcer le public à penser par soi-même, c’est déjà une réussite pour les auteurs absurdes.
Donc, c’est à moi de repérer l’essence de Fin de partie, une pièce absurde de Samuel Beckett créé en 1957. Selon moi, c’est une pièce existentialiste dans la tradition de Sartre, dans laquelle on observe le divorce de l’homme et de Dieu. L’Homme est représenté par le personnage de Clov, pendant que le personnage de Hamm est l’incarnation de Dieu. Hamm donne des ordres toutes les deux minutes, Clov les suit sans comprendre pourquoi. Clov annonce qu’il voudrait tuer Hamm, et puis qu’il va le quitter. Finalement, Clov regarde quelqu’un à l’extérieur et il part sans même couvrir Hamm avec le drap.
L’apothéose de Hamm, c’est une thèse audacieuse, mais l’évidence est partout. Pour commencer, où sont les personnages dans cette pièce? La scène est sans lieu spécifique, mais il y a deux fenêtres qui donnent vue sur la terre et la mer (pp 43-45). Ça nous rappelle les vers initiaux de la Bible «Puis Dieu dit : Que les eaux d’au-dessous du ciel se rassemblent en un seul endroit pour que la terre ferme paraisse. Et ce fut ainsi. Dieu appela « terre » la terre ferme, et « mer » l’amas des eaux.» Nagg, le père de Hamm, raconte l’histoire du tailleur anglais qui compare la confection de pantalons à la création du monde (p. 34). Hamm insiste pour être placé bien au centre de la salle (p. 40), comme Dieu était au centre de la civilisation pendant des millénaires. Hamm raconte l’histoire de l’origine de Clov, qui se termine avec les mots : «Sans moi, pas de père. Sans Hamm (geste circulaire), pas de home» (p. 54). On constate qu’avec l’insertion d’une seule lettre, la phrase devient «Sans Hamm, pas de homme.»
Certes, d’autres arguments s’opposent à l’identification de Hamm à Dieu. Nagg est le père de Hamm, n’est-ce pas? C’est vrai, mais Chronos est le père de Zeus et Bor est le père d’Odin, ce qui ne les empêche pas d’être des dieux. Qu’en est-il de l’épisode où Hamm siffle pour Clov puis ordonne «Prions Dieu.» (p. 73) ? Ils commencent, avec Nagg, mais que se passe-t-il ? «Bernique!» et «Macache !» (p. 74). Hamm annonce «Il n’existe pas !», mais il est aussi possible qu’il n’y ait pas de réponse parce que Dieu était l’abonné absent, étant celui qui a passé le coup de fil.
Enfin, on peut objecter que Dieu est puissant, même omnipotent, tandis que Hamm est vieux et chétif. Comment expliquer cela? Toutes les choses s’épuisent, même les dieux. Il y a plusieurs indices que nous sommes à la fin d’une ère dans cette pièce. Les personnages parlent souvent du passé avec nostalgie: «Hamm: Autrefois tu m’aimais. Clov: Autrefois!» (p. 18); «Nagg: J’ai perdu ma dent. […] Je l’avais hier. Nell (élégiaque): Ah hier!» (p. 28) «Nagg: Hier tu m’as gratté là. Nell (élégiaque): Ah hier!» (p.32); «Clov: Nous aussi on était jolis – autrefois. Il est rare qu’on ne soit pas joli – autrefois.» (p. 59); «Hamm: J’ai un fou qui croyait que la fin du monde était arrivée […] Clov: Un fou ? Quand cela ? Hamm: Oh, c’est loin, loin […] Clov: La belle époque.» (p. 61). Jadis Dieu était puissant, mais maintenant il est aveugle et cul-de-jatte.
Il n’y a pas que Dieu qui s’épuise. il y a un manque de presque tout: «Il n’y a plus de roues de bicyclette (p.20), «Il n’y a plus de nature» (p. 23), «Il n’y a plus de dragée» (p. 74), «Il n’y a plus de marée» (p. 81), «Il n’y a plus de navigateurs» (p.86), «Il n’y plus de calmant» (p. 92), «Il n’y a plus de cercueils» (p. 100). Il y a un manque de contraste aussi. Le ciel n’est ni blanc ni noir mais gris, ou comme Clov dit: «Gris ! GRRIS! Noir clair. Dans tout l’univers» (p. 46). Si Clov connaissait les théories de Lord Kelvin il dirait «La mort thermique de l’univers», le terminus asymptotique pour un univers qui dure suffisamment longtemps. Même le titre de la pièce annonce la fin de quelque chose.
Pourtant, à chaque fin il y a un nouveau départ. Dès le début de la pièce Clov désire un redémarrage: «Si je pouvais le [Hamm] tuer je mourrais content» (p. 41); «Je te quitte» (p. 54). «Je te quitte» (p. 77). Mais il ne le quitte pas. Pourquoi? Jadis il essayait de trouver l’essence de la vie en obéissant à Hamm. Au moment où nous le rencontrons, il a abandonné cette idée comme une mauvaise blague: «Hamm: Clov! […] On n’est pas en train de … de… signifier quelque chose? Clov: Signifier ? Nous, signifier ! (Rire bref.) Ah elle est bonne !» (p. 47). Néanmoins, il n’est pas encore prêt à quitter Hamm parce qu’il n’a pas de source alternative de signification. C’est seulement l’arrivée de quelqu’un – à l’extérieur, à peine visible – qui motive Clov à partir.
La nature de cette arrivée est obscure. Clov dit qu’il s’agit d’un môme, mais Hamm doute de l’existence du visiteur. Cependant, réelle ou non, les jours où Clov sert Hamm sont terminés, et Hamm le sait. «Clov: Tu ne me crois pas ? Tu crois que j’invente ? Hamm: C’est fini, Clov, nous avons fini. Je n’ai plus besoin de toi.» (p. 103) Quant à moi, j’estime que c’est Clov qui n’a plus besoin de Hamm. Il a créé son propre sens de la vie, comme un bon existentialiste. Quelle absurdité.
Things I Learned
Come follow, follow, follow, follow, follow, follow me: there are many ways to express that someone is a follower of a school of thought. Un adhérent refers to someone who is a dues-paying member of a political party. Those who agree with the positions of a party but don’t pay for membership are sympathisants. For something less political, like a religion or a theory, one can use words like partisan, adepte, or défenseur. For a sports team, the word is supporteur.
Mirror, mirror on the wall: the phenomenon of light bouncing off a shiny surface is distinct from the light or image produced by that phenomenon. The act of bouncing is la réflexion. The resulting image is un reflet. La réflexion is also the act of thoughtful introspection. When art imitates life, the work of art is un reflet.
Captive audience: the word captiver means enthrall, fascinate or enrapture. The word capter means to catch, emprison, or absorb. Artists hope the theater audience is captivé by their work, but concession stand prices are set knowing the audience is capté.
Distilled spirits: the word instiller literally means to introduce a substance bit by bit into a cavity or absorptive material. Think the condensing drops in an alcohol distillery. More metaphorically, it is used to mean to make someone gradually believe or adopt a set of values or culture. By contrast the word instaurer is the more formal establishment of a policy or set of rules. It is imposed rather than taught.
What do you call a work that carries the essence of existentialism? Existentialiste. What do you call a work that carries the essence of absurdism? Absurde. Apparently there’s no need for consistency when one is being absurd.
“The audience applauds” or “the audience applaud”? Not sure there’s one right answer to that in English, but apparently in French le public is singular.
Creationism: there are different nouns in French to describe the creation of different kinds of things. One speaks of la construction of a building, but la confection of a garment. Although according to CNRTL, you only use confection if the clothing is mass-produced, not if it is a bespoke garment. I don’t know what word you use in that case. The more generic word fabrication may be used for building and clothing alike.
Working for peanuts: Becket uses two offbeat words for meager results: bernique and macache. The dictionary says bernique is both archaic and familiar, an expression of frustration, disappointment, and rejection. It’s literally a kind of scallop shell. Macache is also old and slang. It means “not at all” or “nothing at all”. There are a lot of words like this in English: zilch, bupkis, nada, peanuts, squat, diddley, beans …
Next up on the reading list of Harvard’s 20th Century French Theater and Performance course is Les Justes, by Albert Camus. Premiering in 1949, Les Justes is an examination of whether and when the ends can justify the means. The context of the play is the 1908 assassination of Russia’s Grand Duke Sergei Alexandrovich, uncle to the Tsar, an actual historic event carried out by a small group of Socialists plotting a revolution. The play itself concerns imagined discussions among the conspirators about the morality of their action, whether it matters, and if collateral damage changes the equation. It is a classical realist work with a clear five act structure, five major and four minor characters, and a mix of répliques (short lines) and tirades (extended speeches).
Camus wrote Les Justes in part as a response to arguments with Jean-Paul Sartre about the acceptability of political violence. Sartre was on the side of allowing a certain amount of individual or even random violence in order to overturn capitalism and colonialism, which he saw as long-term inflictors of systemic violence on populations. Camus was on the other side, drawing sharp limits on what was morally conscionable (as well as what was long-term effective) regardless of circumstance. This debate is very nicely described in a 2005 article by Ronald Aronson, Sartre contre Camus : le conflit jamais résolu. Eight years later, in 1957, Camus published a pair of essays Réflexions sur la guillotine and Réflexions sur la peine capitale in which he also objected to state sponsored execution. This topic remains hotly debated in France today, even though the death penalty was outlawed in 1981. Recent acts of terrorism on French soil (for example, the 13 November 2015 attacks at the Bataclan theater and elsewhere, the trial for which began last month) have raised the question of whether those guilty of atrocities deserve to die. So the work remains timely even though it is a 70-year-old work about a 110-year-old plot.
I wrote out some thoughts about the play, which unexpectedly grew to nearly 1,200 words. I lightly revised it during an editing session with my teacher.
Pourquoi écrire une pièce philosophique? Les Justes, par Albert Camus
J’étais lycéen quand j’ai appris l’existence d’Albert Camus – et le mot «existence» est bien choisi, car au lycée le nom de cet écrivain était synonyme de la philosophie de l’existentialisme. Mes camarades de classe non francophones ont dû lire L’Étranger en traduction pour leurs classes d’anglais, pendant que nous francophones le lisions en version originale pour nos cours français. Le vocabulaire est simple et le titre connu, donc les profs l’ont choisi, même si l’existentialisme était peu accessible à la plupart des adolescents. Peu importe – c’est un roman philosophique, et donc bien convenable pour le lycée.
L’Étranger est un roman philosophique, et Les Justes est une pièce philosophique. Pourquoi écrire une œuvre littéraire philosophique? Pourquoi ne pas écrire un traité comme Locke ou Kant? Ou un essai comme Montesquieu? L’enseignant norvégien Jostein Gaarder a écrit Le Monde de Sophie, un roman sur l’histoire de la philosophie (très bon, d’ailleurs), mais c’est autre chose: un texte pour lycéens sous forme de roman plutôt qu’un roman philosophique. Alors, pourquoi? À l’université, j’ai suivi un cours de philosophie avec Michael Sandel. Il nous a conseillé (presque à chaque cours) d’examiner chaque théorie philosophique par rapport à la situation. Êtes-vous d’accord avec cette proposition-ci? Appliquez-la dans cette situation-là. Vous n’aimez pas les conséquences qui suivent? Comment adapter la théorie? Et maintenant, appliquez la théorie modifiée à la prochaine situation posée.
Sandel nommait ce mode d’analyse «la dialectique»: passer de la théorie à la pratique et retourner en boucle. Il nous a mis en garde de ne pas espérer trouver une philosophie parfaite, qui s’accorde avec toutes nos intuitions. Pour lui, engager cette dissonance entre l’idéal et le réel est lui-même un bien incontournable. Si nous sommes des êtres qui pensent, nous changerons nos idées quand nos théories se heurteront à nos réalités. Nous changerons nos actions. Et c’est justement ça, la raison pour écrire une pièce philosophique. Camus ne nous montre pas seulement des gens qui affinent leurs idées au cours d’un débat, à la manière de Platon dans ses Dialogues Socratiques, mais des gens qui affinent leurs comportements au cours de la vie vécue. Il y a des dissonances, il y des imperfections, et des incohérences. Mais il n’y a pas un manque de conclusions. Comme Sandel disait: «N’imaginez pas que vous n’avez pas de réponse aux questions philosophiques difficiles: par vos actions et vos inactions, vous vivez des réponses à de telles questions tous les jours.»
Alors, examinons les personnages de la pièce. S’ils n’évoluent pas, ça ne vaut pas la peine d’écrire une pièce et plutôt qu’un traité. Bien sûr, ce n’est pas nécessaire que tous les personnages changent de cheval au milieu du gué. Certains personnages ne sont que les incarnations de théories, presque des figurants. Les gens que Kaliayev rencontre en taule sont plutôt des caricatures que des personnages. Foka? Il représente le fatalisme, un cul-terreux qui a tué les gens quand il était ivre et qui continue à tuer les gens comme bourreau pour réduire sa peine. Skouratov? Il parle la langue des Athéniens dans la dialogue de Thucydide: «les forts exercent leur pouvoir et les faibles doivent leur céder». La Grande-Duchesse est un portrait de la religiosité, et le Gardien un croquis de celui qui baisse les yeux et évite d’attirer la moindre attention. Leurs vies intérieures ne nous concernent pas.
Qu’en est-t-il des conspirateurs ? Ils ont beaucoup plus de répliques que les personnages ci-dessus, mais la plupart des conspirateurs restent inertes aussi. Boris est un guerrier noble et humain: il préfère attendre deux mois pour avoir la bonne opportunité de tuer la cible, seule et nette, que d’agir comme prévu et de risquer des victimes innocentes. Il décide que le meurtre des enfants n’est pas permis, et inutile de plus. Par contre, Stepan est rempli de haine et d’amertume au début, au milieu, et à la fin. Ni la présence des neveux du Grand-Duc, ni la mort de celui-ci occasionne une reconsidération de son désir pour la violence illimitée. La noblesse ne le concerne pas: «L’honneur est un luxe réservé à ceux qui ont des calèches», dit-il. Tous les deux gardent leurs attitudes originales au cours de la pièce, sans difficulté et apparemment sans réfléchir.
Donc, il nous reste Voinov, Kaliayev (dit Yanek), et Doulebov (dit Dora). Voinov adopte facilement le discours de l’Organisation, mais il flanche quand l’opportunité d’agir se présente. On imagine qu’il n’est pas un peureux, mais qu’il ne croit pas vraiment que la politique vaille de tuer ou de mourir. Pour sa famille ? Pour sa propre vie ? Qui sait ? Mais pas pour la politique.
Yanek est peut-être le personnage principal. Au premier acte il annonce sa fidélité à l’Organisation, et il affirme qu’il tuerait le Grand-Duc même s’il reconnaissait l’humanité de celui-ci. Au deuxième acte il découvre ses limites quand il refuse de tuer les neveux innocents, et au troisième acte il se montre résolu en lançant la bombe et en tuant le Grand-Duc. Yanek a survécu à sa crise philosophique, et garde sa solidarité avec ses camarades au quatrième acte en refusant les propositions de Skouratov en prison. Mais est-ce qu’il a réexaminé ses principes, ou en a-t-il seulement fait l’épreuve ? Pour moi, Yanek est un exemple et une dramatisation de tenir à l’idée que tout n’est pas permis, mais pas vraiment un exemple de dialogue entre la théorie et la pratique.
Enfin, il y a Dora. Au premier acte, Dora avertit Yanek de ne pas faiblir au dernier moment en face du Grand-Duc, mais j’estime qu’elle parle vraiment d’elle-même: elle aurait peur de renoncer à l’attentat si elle voyait le visage de sa victime. Au deuxième acte, elle dit qu’elle ne pense pas non plus que le meurtre des enfants innocents soit justifié. Mais la mort de son amant Yanek la fait changer d’avis. Elle tombe d’accord avec Stepan, à travers une perte personnelle. Au début de la pièce, elle doute que venger les offenses abstraites par un crime contre un individu soit juste. À la fin, elle se hâte de prendre sa revanche contre le monde pour lui avoir volé son amoureux, peu importe l’Organisation ou la justice. Elle est vraiment transformée par l’expérience et la réflexion.
Est-ce que ces deux illustrations, la fermeté de Yanek et la désolation de Dora, méritent une pièce entière? J’estime que non. Mais je pense que Camus a raison d’extraire la philosophie du royaume intellectuel. La philosophie est comme un plan, ce qu’on imagine qu’on ferait dans telle ou telle situation. Mais rappelons-nous les mots du boxeur américain Mike Tyson : «Tout le monde a un plan jusqu’à ce qu’on lui frappe la bouche.» Les Justes nous montre la philosophie de Dora, bouche sanglante.
Not a bad essay, and better than my previous one on L’Amante anglaise, but still a bit light as literary criticism goes. Still, a good canvas on which to learn French. Here’s some things I learned from it.
Things I Learned
Once again I’m omitting boring errors in preposition choice, adjective agreement, or omission of reflexive pronoun. I’m getting better at these, and that may be the biggest benefit by volume of writing each week. But they don’t make for interesting reading so I’ll spare you. Here’s more interesting things I learned.
Keeping a consistent register. This essay started out in a high register with words like émender and précautioner, but that was not my intent. I have written a few high-register things lately and wanted to make this piece more familiar. I have a ways to go still. I also over-corrected, using near-slang expressions like ça ne vaut pas la peine, en taule, cul-terreux, and froussard. I still struggle to recognize when a word or expression that comes to mind is in vieux / soutenu or a familier / argot register, and it would be time-consuming to look up each and every one. I suspect the only solution is listen and read more, plus get more feedback on my writing.
Qu’en est-il de is a super-useful expression I some hadn’t come upon until this month. It means “What about … ?”, and asks for an opinion or information about the disposition of something. It’s useful both for requesting information or as a rhetorical way to introduce a next subject or part of a problem to be addressed.
Froussard, trouillard, poltron, … there are a surprising number of words to indicate somebody who is afraid or who scares easily. They differ in connotation as well as register of language. Peureux is a standard word for someone who is generally fearful or timid. Pleutre and couard are both littéraire. Lâche is more insulting. Froussard, trouillard, and poltron are familier.
Changing hearts and minds: in English, one can present an argument to change somebody’s mind. In French, I can change my own mind (J’ai changé mon avis), but it’s not typical to use changer d’avis as a thing that A does to B. (J’ai changé son avis). Correct is to use the construction faire changer: Je l’ai fait changer d’avis.
Best served cold …: the word dédommager is best translated as “compensate” or “indemnify”. The reflexive se (faire) dédommager is about seeking damages or settling claims. If you want to get revenge or justice at a moral level, you should use the express venger or prendre revanche.
I didn’t love this play, but it did make me more interested in Camus. I ordered a copy of his novel La Peste from the local bookstore, which seems particularly apropos given our pandemic. I knew about it vaguely, but heard about it recently in a radio interview with Marylin Maeso who was discussion her recent book La fabrique de l’inhumain, which very explicitly makes the case that the Covid-19 epidemic parallels the story of that novel. I’ll let y’all know what I think of La Peste when I read it.
I’m logging what I do each week to improve my French. Maybe it will motivate me to do more. No need to post the details here, but I’ll see if posting a skeleton log of my actions helps motivate me to keep it up. I’ll update this post over the week rather than make new articles each time.
J’ai fait…
GPdF Niveau perfectionnement
12 exercices sur Pronoms relatifs composés: duquel, auquel, dont, etc.
Last month I read the play L’Amante anglaise, by Marguerite Duras, which is the second item in the reading list of Harvard’s 20th Century French Theater and Performance course. Duras, who is perhaps best known in America as the author of Hiroshima Mon Amour, which was adapted into a 1959 film. L’Amante anglaise delves into the psyches and motivations of an unremarkable fifty-year-old woman, Claire Lannes, who murdered her cousin (a deaf and mute resident of Claire’s household) for no apparent reason. She then dismembered the body and spent several nights dropping the parts from a bridge onto trains passing below. The police found the pieces and traced them back to the one point that the disparate train lines had in common, that one bridge. From there they located Claire without difficulty.
But it is with difficulty that the audience tries to make sense of Claire’s character and inner life. The play has two acts and three characters. In the opening act, Claire’s husband Pierre is interviewed by a nameless interrogator who advises Pierre that he is not under suspicion, is not obliged to answer questions, and is free to go. But the Interrogator is deeply interested in understanding Claire, the crime, and Pierre’s marriage. The entire act is one long dialogue between the Interrogator and Pierre. Act two is more of the same, except now the Interrogator is interviewing Claire, who has already been tried and convicted, who is awaiting sentence, and who still has some undivulged secrets (e.g. what did she do with the head of her victim, which was never recovered? Why did she murder her cousin?). The Interrogator becomes more of a character in his own right in the second act as his frustrations in the face of Claire’s airy lack of self-knowledge reveal oddities in the Interrogator’s personality.
The play is based on a real crime that took place in 1949 in France, a murder and disposal-by-train by Amélie Rabilioux. Duras found this event a rich source of inspiration, as she wrote a first play about it 1960 (Les Viaducs de la Seine-et-Oise), and then a novel L’Amante anglaise in 1967, and then a play version of the novel in 1968. The text I read was from a revised script of the play which became standard in 1976. The play is well known and often performed. France Culture produced and broadcast a full-length studio reading of L’Amante anglaise 1967. There is also a 2021 filmed reading of it that breaks up the scenes and interleaves Pierre’s interview with Claire’s interview.
As a writing exercise I prepared a 750 word commentary about the play and lightly revised it with my teacher. Here’s the final text, as well as things I learned in the process.
Depuis l’Antiquité les philosophes se demandent si les être humains ne sont que sang et chair, peau et os. Au XVIIe siècle on a introduit le nom matérialisme pour la position affirmative, tandis que dualisme décrit le contraire: nous avons quelque chose (une âme, peut-être) qui nous rend plus qu’un amas de particules chimiques et leurs réactions. Cet élément spirituel est le siège de la volonté, le conducteur qui dirige nos actions. Sinon, comment comprendre le comportement humain? Pourquoi a-t-on porté cette chemise, choisi ce métier, pris des vacances à la plage et pas dans les montagnes, dîné dans ce restaurant et pas dans le suivant ? C’est angoissant d’imaginer que la réponse de toutes ces questions soit «c’est le résultat des interactions déterminées parmi les molécules de nos cerveaux». Nous avons grand soif d’explications.
Dans sa pièce du théâtre L’Amante anglaise, Marguerite Duras nous invite à contempler les motivations de plusieurs personnages, et en même temps à considérer: Sommes-nous libres de choisir notre chemin? D’où vient la volonté ?
Malgré qu’elle ne soit pas présentée jusqu’au deuxième acte, Claire Lannes est le centre d’attention dès la première page. Pourquoi a-t-elle tué sa cousine? Pourquoi ne veut-elle pas dévoiler le lieu où elle a caché la tête? Pourquoi s’obstine-t-elle à dire qu’elle ne connaît pas elle-même les bonnes réponses? Pourquoi imagine-t-elle que la bonne question serait la clé pour débloquer un discours révélateur? Le public est guidé vers elle comme cible de l’enquête.
Bien sûr, il y a un deuxième personnage dont les motivations méritent investigation : Pierre Lannes, le mari de Claire. Il a accepté sans difficulté l’affirmation de sa femme que Marie-Thérèse Bousquet était partie pour quelques jours pour rendre visite à sa famille. Il avoue qu’il se doutait de la vérité de cette déclaration, mais il ne l’a pas relevé. Est-ce qu’il soupçonnait son crime horrible et a préféré différer le moment d’ affronter cette horreur? Plus profondément, pourquoi s’est-il marié avec Claire? Pourquoi est-il resté avec elle pendant une vingtaine d’années? Est-qu’il ment quand il répond à l’interrogateur qu’il n’aurais jamais poursuivi une histoire d’amour avec une servante, soit la cousine de sa femme soit n’importe qui. On imagine que mieux comprendre Pierre Lannes, c’est mieux comprendre Claire Lannes, et aussi inversement.
Ensuite on passe au troisième personnage, l’Interrogateur. Au début, il est facile de le reléguer à l’arrière-plan. Il nous donne un croquis de l’histoire, il nous indique que Pierre n’est pas un suspect, et il agit comme interlocuteur (il serait saugrenu de monter un spectacle qui ne comprend que deux monologues étendus). Mais petit à petit, l’interrogateur gagne sa propre histoire, ou plutôt son propre mystère. Qui est-il? Il n’est ni magistrat ni juge ni psychologue. Est-il journaliste? Historien? Un parent caché de la victime? Pourquoi est-ce qu’il approfondit cette affaire sensationnelle? Est-il capable de freiner ses enquêtes, et sinon d’où vient son empressement à les comprendre? Au cours de la pièce, il émerge comme un homme frustré, fouillant obsessivement pour trouver les explications qui lui échappent, comme elles nous échappent tous.
Enfin, tous les trois personnages, Pierre, Claire, et l’Interrogateur, suscitent en nous un désir fort de comprendre leurs motivations. Mais il y a un quatrième personnage, ou plutôt une personne, dont les motivations m’intéressent: c’est Marguerite Duras. La version du texte que j’ai lu correspond au mise en scène au Théâtre d’Orsay en 1976. Mais le spectacle original a été créé au Théâtre national populaire en 1968, tiré de son roman de 1967. En outre, elle a écrit et monté une autre pièce au même sujet, Les Viaducs de la Seine-et-Oise, sept ans plus tôt en 1960. Évidemment, ce meurtre commis par Amélie Rabilloux en décembre 1949 préoccupait Marguerite Duras pendant longtemps. Quel élément, quelle combinaison de gens et de circonstances de cette histoire l’envoûtait?
Je retourne finalement aux questions philosophiques. Si on souhaite jamais développer des théories ou des instruments pour comprendre les comportements complexes, subtiles, et entremêlés des gens dans la vie ordinaire, il faut d’abord que ces outils fonctionnent dans les situations les plus pures, simples et extraordinaires. Nous abordons les événements quotidiens en examinant les affaires hors du commun. Si Marguerite Duras retournait fréquemment à ce découpage en morceau d’un corps humain, c’est parce qu’elle veut disséquer notre nature humaine pour repérer où demeure la volonté.
Language aside, it’s not a great essay. It’s got two or three ideas in it, and I like the closing sentence, but the middle is far too rambling with endlessly posed but unanswered questions. Fortunately, I wrote it more as a vehicle for improving my French than to be a solid work of literary criticism. So let’s see what I gained on that front.
Things I Learned
My original draft had a number of boring errors in preposition choice, adjective agreement, or omission of reflexive pronoun. I continue to work on my automaticity in these areas and am getting better little by little. There were several more substantive corrections I learned:
Keeping a consistent register. This essay starts out in a high register, using highfalutin phrases to talk about philosophy and literary construction. That’s a valid stylistic choice, but only if it is maintained throughout. So my teacher identified several familiar expressions that broke this pattern and revised them into a more formal register.
«La volonté, ça vient d’où» became «D’où vient la volonté».
«un tas de» became «un amas de».
«Pourquoi elle ne veut pas» became «Pourquoi ne veut-elle pas».
«Bien sur qu’il y a» became «Bien sur, il y a».
«c’est facile de» became «il est facile de».
«machins» became «outils».
«bizarroïde» became «hors du commun».
Malgré que is the subject of a longstanding grammar controversy. There’s a lengthy entry about malgré que on CNRTL (see article II), which is considered an authoritative source by my French work colleagues. It begins : «Ac. 1835-1935, Littré et les grammairiens puristes n’acceptent malgré que que dans l’emploi II A, qui n’est pas un emploi conj. mais où malgré est un subst. compl. de j’en aie et que le pron. rel.…». Long story short, in oral language everybody uses «malgré que» = “despite the fact that” as they use «bien que» = “even though”. But the official grammar ruling is that in a formal register one must use only malgré + a noun, never malgré que + a clause. Bien que + a clause is still fine. However, this rule is far more honored in the breach than in the observance, even in soutenu register writing, and so we let it stand in my essay: Malgré qu’elle ne soit pas présentée. There is general consensus that if one uses this locution, the verb in the subsequent clause must be in the subjunctive mood.
Chimique is always an adjective, never a noun. There is no French noun corresponding to the English noun “chemical(s)”. The French speak of «produits chimiques», «particules chimiques», etc. The word is an adjective and must always modify some noun.
affronter, confronter. These two words both map to “confront” or “face” in English, but in French the correct choice depends on the nature of the thing being faced. If it’s a localized person, opponent, or obstacle and you wish to describe its position, you use confronter. If it’s a non-localized challenge, a danger, or a fear and someone is tackling or addressing it, you use affronter. The word confronter really has a face-to-face, head-on, physical arrangement aspect to it. In the essay above, a slight change to the sentence would highlight the ability of this distinction to resolve ambiguity: «Est-ce qu’il soupçonnait son crime horrible et a préféré différer le moment de l’affronter ?». Since the verb is «affronter» the elided pronoun l’ refers to the crime, and not to the criminal. If I meant the criminal I would need to write «le moment de le confronter», as you would look directly at the criminal while confronting them with an accusation.
un proposition has a meaning more specific than its English cognate “proposition”. The French «proposition» is a proposal, a demand, or an offer. In English, I use the word proposition also to mean a statement that can be true or false: “I was in Connecticut this weekend” or “The global climate is on track to rise by 2° by 2050.” Apparently this usage of «proposition» in French is restricted only to technical discussions of Boolean logic and not everyday statements. I replaced «proposition» in my original draft with «déclaration» when referring to a simple statement.
fouiller can mean “to dig through”, “to rummage”, or “to search” (it can also mean simply “to dig” in the ground). The direct object is the thing being searched: fouiller un tiroir, fouiller une valise. But if you want to name the target of the search, you can’t simply use pour and a noun: Je fouille l’armoire pour une chemise. You have to add a verb into the mix: Je fouille l’armoire pour trouver une chemise or Je fouille l’armoire pour repérer une chemise. The French sure do like their verbs…